Chocolatier vous place dans la peau d'un entrepreneur de la fin du XIXème siècle, chargé par une reine déchue de la confiserie, Evangeline Baumeister, de rebâtir un empire chocolatier. Pour cela, il faudra voyager à travers le monde pour remettre la main sur les recettes familiales, dispersées aux quatre vents par la jeune soeur d'Evangeline, et les utiliser pour produire et vendre diverses sortes de chocolats. On démarrera par des tablettes basiques (que le traducteur a appelées "barres", bien joué) pour poursuivre avec des produits de plus en plus élaborés.
Concrètement, c'est une sorte de version simplifiée et pacifique d'un jeu comme Port Royale 2. On va de port en port, on achète des matières premières, on les transforme en produits élaborés, on les revend, et régulièrement il y a une petite mission à accomplir pour un personnage rencontré en route, avec une forte somme d'argent ou de nouvelles recettes en récompense. On peut aussi parier de l'argent dans les troquets, sauf que les développeurs ont dû se dire que même un jeu de cartes tout bête comme celui de PR2 serait trop compliqué à comprendre pour une femme et ont préféré un jeu de hasard, les cons. A part ça, après avoir gagné suffisamment d'argent on pourra commencer à faire rouvrir les vieilles usines Baumeister, et à racheter les boutiques de confiseries dans lesquelles on écoule habituellement sa marchandise. Le but étant à terme de récupérer les 64 recettes et de faire tourner les 6 usines de la famille.
mais on en débloque en cours de partie jusqu'à un total de 14.
Il est rare qu'un jeu dépasse mes attentes mais je dois dire que Chocolatier peut s'en vanter. Enfin, si les objets inanimés pouvaient se vanter de quoi que ce soit, ce qui n'est pas le cas, mais bon, vous voyez ce que je veux dire. Il faut dire que je n'en espérais quasiment rien, donc forcément, il lui suffisait d'être un peu mieux que complètement nul pour avoir presque l'air d'une bonne surprise. Les premiers pas dans le jeu sont encourageants : c'est moins laid que Cinema Empire, les mécanismes sont faciles à comprendre sans paraître excessivement simplistes, on obtient régulièrement des recettes supplémentaires et de nouvelles quêtes qui du coup donnent l'impression qu'on ne fait pas tout le temps la même chose (puisqu'il faut partir chercher de nouveaux ingrédients ou débusquer de nouveaux personnages), la préparation des chocolats elle-même donne lieu à un mini-jeu de rapidité qui brise le train-train des allers-retours d'un port à l'autre... Des événements aléatoires font fluctuer le prix des matières premières et des produits finis, on peut marchander avec les autochtones pour obtenir de meilleurs tarifs, et on ne doit pas attendre 4 heures de jeu avant d'avoir accumulé assez de sous pour faire autre chose que préparer la tablette de base dans son usine de base, on a rapidement la liberté de varier ses produits et d'étendre son entreprise. Bref, pas un mauvais départ.
dans les bons emplacements le plus rapidement possible.
Mais il ne faut pas rêver non plus : Chocolatier n'est pas pour autant un vrai bon jeu à recommander sans réserve. Déjà parce qu'assez vite, un défaut récurrent des jeux de gestion pointe son nez : comme il y a finalement assez peu de choses différentes à faire, la routine s'installe. En plus le mini-jeu est rapidement casse-burnes, vu qu'il faut le refaire à chaque fois qu'on décide d'utiliser une recette différente et qu'il ne requiert pas vraiment d'adresse particulière ni de réflexion. Et comme il n'y a aucune concurrence et que le prix des chocolats est toujours (ou presque toujours) très largement supérieur aux prix des ingrédients, même en ne faisant pas trop attention à n'acheter que là où c'est le moins cher et vendre là où c'est le plus recherché, on se retrouve sans effort à la tête d'une confortable fortune et de toutes les usines alors qu'on n'a récupéré qu'environ la moitié des recettes. Une facilité qui rend donc le jeu d'autant plus fastidieux puisqu'elle donne l'impression de ne plus rien avoir à accomplir de vraiment important alors que la quête principale est encore bien loin d'être terminée.
rien qu'en lui parlant du beau temps !
A cela s'ajoutent des défauts vraiment pénibles et plutôt imputables à la paresse et au manque de réflexion des développeurs plus qu'au genre lui-même. Par exemple, lorsque vous arrivez sur un écran de port, les bâtiments visitables clignotent une seconde, puis redeviennent anonymes. Il faut faire glisser la souris dessus pour que leur nom apparaisse à nouveau et qu'on sache qu'on peut cliquer dessus. C'est pas trop grave pour les usines et les marchés, facilement reconnaissables, mais les magasins de bonbons où les bars se fondent dans le décor, et ne parlons même pas de certains éléments de 3ème plan qui peuvent facilement passer pour de simples décorations alors qu'il s'agit de lieux importants. Certes, on finit par se familiariser à force de constamment devoir revenir partout, mais c'est quand même chiant, de simples enseignes n'auraient pas été du luxe. Bien pire, on ne peut contrôler une usine qu'en y allant en personne. Le jeu se déroule apparemment dans un monde parallèle où le télégraphe n'a pas été inventé. Si une usine produit un chocolat à base de trois ingrédients et que l'un des trois vient à manquer, impossible de faire changer la recette à distance pour qu'elle produise un chocolat plus simple avec seulement deux ingrédients le temps d'avoir racheté le troisième. Si l'on est à Rio pendant que l'usine de San Francisco manque de café, ça va, il suffit de racheter du café sur place, mais si l'on se trouve à Londres, l'usine ne va plus rien produire pendant les semaines que prendra le voyage pour aller acheter du café à Rio ou changer de recette à San Francisco... Tout ça alors que les matières première, en revanche, sont acheminées instantanément, dès l'achat, partout où l'on en a besoin. Une fantaisie qu'on excusera par la nécessité de simplifier la gestion des stocks pour le grand public, certes, mais qui entraîne un autre souci : que les usines épuisent pour une vieille recette les marchandises que l'on destinait à une nouvelle avant que l'on ait pu leur faire modifier leur production. Pour finir, le temps ne s'écoule que lorsqu'on voyage. S'il faut trois semaines à une usine pour honorer la commande d'un client et qu'on n'a rien de particulier à faire pendant ces trois semaines, il faudra quand même voyager pour qu'elles passent. Malgré le prix des voyages, c'est pas trop grave vu que l'argent n'est rapidement plus un problème, mais ça reste débile de ne pas avoir ajouter une simple fonction "avancer d'une semaine".
des sujets de conversation absolument passionnants.
En plus d'être facile et répétitif, le jeu est donc sacrément mal pensé sur plusieurs points. Mais je le redis, je m'attendais à bien pire ; il a quand même le mérite d'être moins con et raté que je ne le craignais. C'est largement moins naze que Prison Tycoon, et malgré l'absence de véritable difficulté ça n'est pas un jeu qu'on peut laisser en pilote automatique comme Tycoon City New York, il faut participer activement. Un joueur chevronné en quête d'un jeu de gestion un peu costaud s'ennuiera au bout d'une heure ou deux (voire une demi-heure) et n'aura donc pas forcément l'impression de rentabiliser ses 3 €, mais à vrai dire je peux imaginer qu'un non-joueur ou un débutant en la matière accroche bien malgré les défauts (alors que je n'en dirais pas autant de ce putain de Prison Tycoon). Bref ça peut faire un passe-temps pas trop mauvais pour votre mère si elle se lasse du Solitaire, C'est pas grand'chose mais à ce prix-là on ne peut hélas pas espérer Fallout à tous les coups.