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27 avril 2008 7 27 /04 /avril /2008 10:24
Quand je vois qu'un jeu a un "surtitre" comme celui-ci, je me demande toujours si ses développeurs avaient prévu de décliner leur oeuvre sur plusieurs épisodes. Est-ce que Trevor Chan comptait faire d'autres Wars and Warriors après Jeanne d'Arc ? Est-ce qu'après Les Enfants du Nil un deuxièmme Immortal Cities aurait dû nous inviter à bâtir l'empire romain ou les cités grecques ? On ne le saura jamais puisqu'après l'échec commercial de son premier bébé, le studio Tilted Mill s'est rabattu sur de la licence connue, avec un Caesar IV qui n'a pas vraiment marqué les esprits autant que ses prédécesseurs, et dernièrement le très controversé Sim City Sociétés.

Et c'est dommage, parce que voilà un city builder qui, à défaut d'être parfait, avait le mérite de s'éloigner un peu des sentiers battus et rebattus par les Caesar, Pharaon, Zeus et autre Empereur. Evidemment, le principe lui-même n'est pas révolutionnaire et emprunte beaucoup aux jeux pré-cités, ce qui est un peu normal quand on sait que les gens de Tilted Mill ne sont autres que des anciens de Impression Games, qui les développait pour le compte de Sierra. Mais la volonté d'aborder le genre sous un angle légèrement différent était bien là.

Les Enfants du Nil vous place dans la peau de Pharaon, dieu vivant d'une poignée de péquenots égyptiens, et vous invite à bâtir votre gloire sur le dos de ces braves péons en pagne en érigeant des cités sur les berges du fleuve rendu célèbre par l'épopée aquatique de feu Charlton Heston il y a 3000 ans et des poussières, et en veillant à la bonne marche du petit monde qui se développe ainsi sous vos ordres. On démarre par un humble petit village et un modeste palais, et si l'on gère correctement son bizness, on se retrouve avec une belle cité florissante et divers "comptoirs" sous sa coupe, et suffisamment de pyramides pour y entreposer plus de momies que sur les sièges de l'Académie française. Jusqu'ici, rien de particulièrement novateur c'est vrai, c'est le schéma classique du genre, et rien que ça, quand c'est bien pensé, ça peut captiver les fans pour de longues heures.

Le genre d'image familère aux amateurs de city builders.
Mais contrairement à ses illustres modèles,
Les Enfants du Nil offre un univers en 3D
où la caméra permet d'inspecter sa ville sous toutes les angles.


Généralement, le city builder repose sur un fonctionnement de type : beaucoup de services dans un quartier = habitants satisfaits = possibilité d'augmenter les impôts et arrivée d'encore plus de nouveaux habitants = encaissement de plus grosses sommes = possibilité de réinvestir tout cet argent dans de nouvelles constructions pour héberger encore plus de citoyens, toucher encore plus de sous, etc, etc, avec l'objectif à terme de pouvoir se payer la construction de la plus grande ville et des bâtiments les plus évolués. Les Enfants du Nil opère un choix qui, en théorie, tranche nettement avec ce vieux principe : ici, on ne manipule pas d'argent. Vous n'aurez pas besoin d'attendre d'avoir accumulé 10.000 pièces d'or/talents égyptiens/sesterces/denarii/simoléons pour décider de la construction d'un nouveau temple. Vous cliquez sur "Temple" dans le menu de sélection puis vous cliquez sur l'emplacement que vous lui avez choisi et voilà, le chantier du temple est lancé. Ce qui ne veut évidemment pas dire que le jeu est simplement un gros bac à sable dans lequel vous pourrez construire tout ce que vous voulez n'importe comment, loin de là, parce que ce temple, pour voir le jour, il va quand même nécessiter LA ressource importante du jeu : la ressource humaine.

La carte de la région vous permet d'établir des comptoirs
ou de négocier des accords commerciaux

afin d'obtenir les denrées introuvables dans votre ville. Celles-ci ne s'achètent pas,
mais se troquent contre ce que vos sujets produisent.

Un peu à la manière de l'excellent Tropico, simulateur de république bananière resté dans les mémoires de tous les amateurs de jeux de gestion ayant bon goût, le jeu met en effet l'accent sur l'importance de la gestion humaine de votre ville. Pour en revenir à ce temple, il se construit sans contrainte financière, mais il ne va pas se construire tout seul. Il faut des artisans pour produire les briques, des maçons pour les transporter au chantier puis transformer le tas de briques en bâtiment. Et tous ces braves gens, ils travaillent pour pas un rond, c'est vrai, mais en échange de leurs efforts, ils espèrent quand même que Pharaon les nourrisse. Alors il faut des boulangers, pour cuire le pain des ouvriers. Mais le pain, il vient pas de nulle part. Il faut des fermiers, pour cultiver les céréales. Sauf que si on ne veut pas que ces salauds de ploucs gardent tout pour eux, il faut une famille noble, pour leur dire "la terre est à nous, si vous la cultivez, il faut nous reverser une partie de la récolte". Et les nobles, pour accomplir ce difficile "travail" qui consiste à s'approprier le fruit de celui des autres, ils vont eux aussi réclamer des choses en échange... Bref, il y a toute une chaîne humaine à mettre en place pour que le temple sorte du sable, et même une fois construit, il faudra encore que vous ayez un prêtre sous la main pour le faire fonctionner, un tailleur de pierres pour faire une statue si vous voulez le dédier à une divinité en particulier, des ouvriers pour extraire la pierre brute dont l'artisan a besoin, un contremaître pour superviser les ouvriers...

Le palais, les maisons des nobles et les temples se construisent à l'abri des crues du Nil,
en hauteur, tandis qu'on laissera les petites gens
trimer les pieds dans la gadoue sur les berges du fleuve.


Bref, ici pas de "tant que j'ai assez de fric pour assurer la construction et la maintenance, tous les deux pâtés de maison, d'un poste de pompiers, un poste de garde, un marché, un entrepôt, une fontaine et un jardin public, les gens seront contents, les maisons vont se remplir, les impôts vont affluer, et je pourrai construire un quartier supplémentaire". La population des Enfants du Nil n'est pas un simple chiffre qui monte et descend, une série de graphiques avec des indices de satisfaction, une stat qui fait remplir les caisses et monter les stocks non-stop. Tous les habitants de la ville sont visibles sur votre terrain de jeu et vous pouvez les suivre dans leurs occupations quotidiennes qui ne se résument pas à déambuler dans les rues juste pour animer un peu le jeu comme dans les Caesar : les gamins vont récupérer des matières premières puis les rapporter à leurs parents artisans, qu'on peut voir s'activer sur leurs poteries en cours de fabrication ou sur leurs fours à pain, les scribes vont se fournir en papyrus, les familles qui peuvent se le permettre interrompent leur travail pour se procurer divers articles chez les commerçants... Les cycles du jour et de la nuit régissent tout cela, et avec le temps qui passent, les enfants grandissent, les parents meurent...

Le zoom permet aux pharaons en herbe de réaliser le rêve orwello-sarkozyen :
observer de près chaque habitant en train de vaquer à ses occupations.

Concrètement, pour que tout ça fonctionne harmonieusement (ce qui permet d'engranger des points de prestige, qui sont un peu le "score" du jeu) il faut donc organiser ses constructions de façon à ce que chacun soit bien situé par rapport à sa matière première et à sa clientèle, mais aussi en veillant à un bon équilibre numérique entre les différentes classes sociales. Contrairement, une fois encore, à un Caesar, où l'on voudra un maximum de citoyens riches pour accumuler plus d'impôts, ici les nobles doivent rester la minorité, parce qu'il faut bien qu'il reste des gueux pour bosser.

Le Prestige est une donnée importante du jeu puisqu'il permet
de négocier des traités avec d'autres civilisations.

Embellir son palais à coups de fresques et statues
est l'un des moyens faciles de booster son Prestige.


Le système fonctionne plutôt pas mal mais, sans en être la copie conforme, il ressemble quand même trop à celui de Tropico pour paraître complètement original. Et comme le jeu favori de Fidel Castro proposait en outre une bonne dose d'humour, une gestion plus développée de la politique (qui se limite ici à des "édits" permettant d'apaiser l'opinion publique à coups de jours fériés) et plus d'options de construction, il faut reconnaître que Les Enfants du Nil ne parvient vraiment à le surpasser, ni d'ailleurs aucun de ses plus glorieux ancêtres au niveau du gameplay. Il y a de très bonnes bases, il y a quelques originalités, il y a la volonté de se démarquer de Pharaon ou Caesar, mais il manque ce je-ne-sais-quoi qui retient le joueur devant son écran pour des nuits blanches chez les meilleurs titres de gestion/construction/stratégie...

Un moyen d'organiser sa ville proprement est de développer
des quartiers dédiés à une activité particulière,

comme ici avec ce quartier militaire où vivent et s'entraînent les soldats.

Le jeu de Tilted Mill aurait pu tenter de se distinguer un peu plus, par exemple en travaillant mieux la partie généralement la plus ratée même dans les meilleurs city builders, l'aspect militaire du jeu, mais malheureusement elle se révèle tout aussi inintéressante qu'à l'accoutumée, avec de temps en temps une pauvre invasion de 4 Numides dont vos soldats ne feront qu'une bouchée sans que vous ayez à intervenir, pour peu que vous ayez construit un poste de garde assez vite bien sûr.


Ca ne se voit pas trop bien, mais on assiste ici à un insoutenable
scène de pillage par l'envahisseur en colère.

Ca vous apprendra à parler sèchement à un Numide !*


Ceux qui aiment admirer leurs chefs-d'oeuvres d'urbanisme sous toutes les coutures seront en revanche ravis par le moteur 3D qui permet de faire tourner la caméra à sa guise, zoomer jusqu'à ras de terre ou suivre n'importe quel personnage dans ses pérégrinations quotidienns à travers les rues. Sans être spectaculaire (c'est moins beau que le récent Imperium Romanum, par exemple), ça reste assez mignon pour un jeu de 2004 malgré le design assez "cubiste" de tous les bâtiments. On ne peut pas dire que ça enrichisse le gameplay, mais disons que cet environnement 3D est un peu le petit "+ produit" des Enfants du Nil.

Rien de tel que de d'organiser un jour de fête à sa propre gloire pour redorer le blason du Pharaon.
Ca nécessite évidemment de bonnes réserves, parce que pendant que tout le monde est occupé
à se bourrer la gueule sur la place publique comme ici, personne ne travaille.


A part ça, contrairement à un vieux Tropico ou Pharaon dont les exemplaires encore en circulation tendent à se raréfier, le jeu a le mérite de se trouver encore assez facilement de nos jours, et pour la modique somme de 5 €. Largement mieux foutu et plus intéressant que l'ennuyeux
Moon Tycoon, Les Enfants du Nil est vraiment un très bon petit titre, solide, proposant des mécanismes plutôt réalistes et bien pensés, et possédant sa propre personnalité malgré les similitudes avec tous les titres déjà cités ici. Pour ce prix-là, les amateurs du genre ne devraient vraiment pas s'en priver. Les novices en revanche seront peut-être un peu rebutés par son mode de fonctionnement un peu plus "prise de tête" que dans les tycoons très grand public.


*comme il faut rendre à Ramsès ce qui lui appartient, je précise que la paternité de ce sublime calembour revient à l'irremplaçable René Goscinny.
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commentaires

P
On y croyait plus.
Répondre
T
<br /> Homme de peu de foi...<br /> <br /> <br />