Ca doit bien faire quinze ans que je n'ai pas revu la première adaptation ciné de Street Fighter et il ne m'en reste pas grand'chose si ce n'est le souvenir d'un mauvais film assez ennuyeux, qui passait à côté d'une occasion en or d'utiliser Jean-Claude Van Damme dans ce qu'il faisait de mieux à l'époque : le film de tournoi d'arts martiaux clandestins comme Tous les coups sont permis ou Kickboxer. Il s'était fait bien descendre par la critique mais il avait rapporté un paquet de pognon, ce qui a dû amener les producteurs de cette nouvelle version (qui ignore totalement les faits de la précédente) à penser que la recette qui marche pour porter Street Fighter au grand écran, c'était de ne PAS en faire une histoire de compète de baston. Et autant je suis pas pour les adaptations littérales et je peux comprendre que quand on essaie de faire un film basé sur, mettons, Super Mario Bros., on peut pas vraiment en faire un "film de plates-formes", autant je ne vois pas pourquoi Street Fighter insiste pour ne pas faire comme ses petits camarades Mortal Kombat, Tekken et Dead or Alive. Surtout en pleine mode des films sur le "freefight" comme Never Back Down et tout ça. Avec un peu de chance la troisième tentative (s'il y en a une) explorera cette voie-là.
En attendant donc, cette Légende de Chun-Li oppose deux des personnages les plus connus de la série, Chun-Li et M. Bison, devenus ici une pianiste de renom et un homme d'affaires véreux plutôt qu'une agent d'Interpol et un seigneur du crime. Bison (joué par le toujours classe Neal McDonough, le soldat au chapeau melon dans Captain America) a enlevé le père de Chun-Li alors qu'elle était encore enfant ; dix ans plus tard, après être devenue Kristin Kreuk (la petite gourde mignonne de Smallville), Chun-Li reçoit un étrange parchemin l'invitant à enrichir sa connaissance des arts martiaux auprès d'un certain Gen en Thaïlande. A Bangkok, le maître vieillissant lui enseigne de nouvelles techniques pour l'aider à affronter Bison et contrecarrer ses plans diaboliques.
Ci-dessus : PAS le sujet du film, du tout.
Bon, en théorie, pourquoi pas hein. Même si, je répète, je reste persuadé qu'un simple "les meilleurs castagneurs du monde sont invités à se savater la gueule à Bangkok, mais c'est un piège" reste un sujet plus à propos, on reste quand même un peu dans l'esprit Street Fighter, avec de la vengeance, de la baston, un méchant diabolique et un casting international. Et le réalisateur Andrzej Bartkowiak, qui signe là sa deuxième adaptation de jeu vidéo après Doom (je ne sais pas s'il cherche à devenir un genre d'Uwe Boll de luxe ou quoi), a visiblement fait quelques efforts pour contenter les fans de la saga : outre les personnages déjà cités, on retrouve une poignée de combattants bien connus de cet univers (Balrog, Vega...), et dans les scènes de tatane Chun-Li utilise quelques coups empruntés au jeu. Probablement pas de quoi empêcher les intégristes de hurler à la trahison de l'oeuvre originale, mais disons qu'en surface il semble y avoir les ingrédients pour un polar orienté action pas trop tarte ni trop éloigné de ses racines.
SPINNING BIRD KICK!
Inutile de tourner autour du pot plus longtemps : ce deuxième Street Fighter part pas trop mal, mais se casse la gueule en cours de route, et ne parvient pas vraiment à s'en relever. Le démarrage n'est pas inintéressant, y a de l'action, de la bagarre, Kristin Kreuk a l'air impliquée dans ce qu'elle fait à défaut d'être une grande actrice, et le personnage de Bison, bien que très différent de son homologue de borne d'arcade, y apparaît comme un bon méchant de cinéma, cruel et impitoyable, sans pour autant que l'acteur ait à en faire des caisses, et alors qu'il n'a pas vraiment la carrure et visiblement pas les aptitudes au kung fu d'un "boss" de Street Fighter. Et pour être honnête, ces bons éléments se maintiennent assez bien tout au long du film, mais malheureusement ils se retrouvent noyés dans le reste, qui est plutôt médiocre, pour ne pas dire naze.
Michael Clarke Duncan était le choix assez évident pour Balrog le boxeur,
tandis que Robin Shou en Gen enchaîne un quatrième film tiré de jeux vidéo
après les deux Mortal Kombat et DOA.
C'est trop bavard, tout ce qui concerne les machinations de Bison et de son entreprise Shadaloo est expliqué de façon assez laborieuse et paraît à peu près complètement dénué de sens : il fait proliférer le crime dans un quartier pour faire baisser le prix du terrain pour tout racheter à bas prix... puis au lieu d'acheter, il se fait céder le contrôle du quartier par les autorités locales, en les menaçant... puis on dirait que son projet immobilier n'est qu'un écran de fumée pour dissimuler son vrai but, faire accoster un bateau dans ce fameux quartier... sauf qu'il possède une île privée, donc on comprend pas trop pourquoi il a besoin de faire accoster le bateau à Bangkok puis d'héliporter le chargement sur son île... Quand je vous dis que tout serait tellement mieux si ça parlait simplement d'un championnat de patates dans la gueule ! Pour ne rien arranger, en parallèle à ça, on suit l'enquête de deux flics, et entre une Moon Bloodgood assez terne (même si étonnamment décolletée pour une agent de l'antiterrorisme) et un Chris Klein allie une absence charisme avec un jeu d'acteur fluctuant entre "qu'est-ce que je fais là, déjà ?", "au fait, je le jouais comment le personnage dans la scène d'avant ?" et "je comprends rien à mon texte, mais je suis cool, okay ?", on a du mal à se passionner pour leurs investigations, qui du coup plombent bien le rythme.
Chris Klein et Moon Bloodgood au meilleur d'eux-mêmes.
Pour ne rien arranger, si les combats sont plutôt pas mal chorégraphiés, la plupart souffre hélas d'un montage crétin qui pense être dynamique alors qu'il n'est qu'illisible, où le moindre coup de pied se retrouve montré successivement sous 5 angles différents en une fraction de seconde. C'est encore plus frustrant que les films où la caméra gigote tout le temps pour qu'on ne remarque pas trop qu'à la base l'action était minable, parce que là, on devine que c'était plutôt réussi par moments et donc qu'on rate vraiment quelque chose. Rien d'exceptionnel mais correct, avec quelques scènes un peu originales, comme lorsque Chun-Li, pendue au plafond par les pieds et menottée, parvient à éliminer deux adversaires et à s'évader. Au final j'avoue que le résultat n'est jamais aussi catastrophique que dans une horreur comme Doomsday, mais ça reste assez décevant.
Alors sinon, un truc que j'ai pas compris, c'est pourquoi Chun-Li est obligée
de vivre comme une clocharde alors que c'est une riche pianiste.
Ca n'est pas complètement nul, mais c'est quand même franchement mauvais. Le scénario oscille entre le déjà-vu, le poussif et le complètement débile (il y a toute une sous-intrigue qui raconte comment Bison a transféré toute la bonté de son âme dans le corps de sa fille pour pouvoir se consacrer pleinement à être méchant), ça manque de pêche, le casting ne fait pas vraiment d'étincelles... En clair, on s'ennuie, on regrette que ça ne soit ni vraiment un nanar ni vraiment un film potable. Décidément, la meilleure version de Street Fighter au cinéma reste encore cette séquence de Nikki Larson avec Jackie Chan où il se transforme en Chun Li.